
Le rationnement, outil convivial
Séminaire du 21 novembre 2014 par Mathilde Szuba
Face aux contraintes énergétiques qui s’annoncent et aux menaces d’épuisement des ressources naturelles, il est difficile d’imaginer que l’on puisse se passer d’institutions économiques et politiques plus ou moins centralisées pour organiser la coordination des efforts individuels d’autolimitation et une répartition équitable et soutenable des ressources disponibles. Les propositions en faveur d’un rationnement des énergies fossiles s’inscrivent dans cette catégorie. Toutefois, le contraste est assez fort entre ces grands systèmes de régulation et la forte aspiration des mouvements écologistes à l’autonomie individuelle et collective et à la décentralisation des décisions1. Si l’autonomie et la décentralisation politique prônées par les écologistes correspondent à la « convivialité » définie par Illich, le rationnement des énergies fossiles semble à première vue être tout le contraire. Dans ce cas, peut-il y avoir un « rationnement convivial », ou est-ce un oxymore ? Au-delà du rationnement précisément, il s’agit par la même occasion de se demander comment l’écologie politique peut, tout en conservant ses valeurs de convivialité et de décentralisation, chercher à inscrire les activités humaines dans les limites d’un monde fini en s’appropriant ce que l’économiste René Passet a appelé une « gestion normative sous contrainte environnementale »2. Finalement, peut-on réconcilier Illich et Passet à l’heure des limites écologiques globales ?
Suite de ce texte à lire dans notre prochain ouvrage, Economie de l’après-croissance, à paraître aux Presses de Sciences Po au printemps 2015.
1 Andrew Dobson, Green Political Thought, London, New York (NY), Routledge, 2007 (1990).
2 René Passet, L’Économique et le vivant, Paris, Économica, 1996 (1979).
Auteur: Mathilde Szuba
Tous les articles de Mathilde Szuba :
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