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Les récits de l'effondrement

21 novembre 2020


Nous assistons aujourd’hui à une écologisation « tendancielle » de la société. Des sensibilités pour les éco-gestes aux actions militantes de désobéissance les plus offensives telles que le prône Extinction Rebellion, en passant par la participation à des mobilisations de grande ampleur telles que les Marches pour le Climat : l’écologie – qu’elle soit conventionnelle, électorale ou non-conventionnelle, protestataire - est aujourd’hui l’objet d’une réelle prise de conscience. Et ceci notamment car, depuis une quarantaine d’années, études et rapports scientifiques ne cessent de nous informer sur l’état de la planète, ce que l’on doit réduire, ce qu’il faut réorienter. Réorganiser les modes de vies et les modes d’être peut néanmoins emprunter différentes formes : en la matière, les imaginaires sociaux sont nombreux, allant de la croissance verte soutenue par des solutions technologiques aux initiatives post-croissanciste visant des formes d’autosuffisance, de rationnement et de sobriété fortes ; les écarts de transformations socio-culturelles que ces visions impliquent sont élevés et non exempts de conflits de représentations. La plausibilité d’une saturation critique, issue de boucles de rétroactions conduisant in fine les sociétés humaines vers des situations difficilement maitrisables, est par ailleurs de plus en plus forte. Ceci posé, la survenue potentielle d’une telle catastrophe excède nos capacités de compréhension et de perception. Dégager de nouveaux horizons en prenant au sérieux les données scientifiques nombreuses dont nous sommes en possession constitue, par conséquent, un chantier délicat, en raison de cette difficulté à se représenter notre futur. L’entreprise initiale de cette exploration visait, ainsi, à travailler sur « les nouveaux récits de l’écologie » ; un rapport de défrichage, s’est employé à recenser une série de courants, mouvements, collectifs - neufs ou réactualisés - repérables dans la constellation écologique. La variété ne manque pas : écoféminisme, décroissance, zadisme, néo-survivalisme et d’autres encore : tous ces mouvements ont leur spécificités, leurs enjeux, leur portée dans l’écosystème complexe que représente l’écologie aujourd’hui ; une écologie qualifiable de « politique » en ce qu’elle est objet de souci quotidien, de comportements collectifs et d’expressions d’attentes socio-culturelles. Face à une telle hétérogénéité, les propositions considérant des formes possibles d’effondrement de la société se sont imposés comme les plus urgentes à considérer, en raison notamment de la « démarginalisation » dont ces théories font l’objet. Ce rapport a donc pour ambition de saisir la complexité de son écosystème. L’effondrement est aujourd’hui souvent désigné au singulier, désignant alors de manière très générique et diffuse ce qu’il s’agirait plutôt de désigner nommément. La complexité des bouleversements en cours se trouvant ainsi pour partie éludée.