Séminaire

La sobriété au risque de l’institutionnalisation : partager les efforts, hiérarchiser les priorités

par
18 novembre 2022

Après avoir longtemps été le marqueur d’une écologie exigeante, voire radicale, le mot « sobriété » est aujourd’hui omniprésent dans l’espace politique et médiatique français. Cela a commencé dès l’hiver 2022-2023, avec quelques signes avant-coureurs : entrée du terme dans les travaux du GIEC, dans les scénarios Transition(s) 2050 de l’Ademe, dans le discours de campagne d’Emmanuel Macron à Belfort… Mais finalement, c’est surtout le retour de la guerre en Europe et la (re)découverte bien tardive de la vulnérabilité énergétique européenne qui ont achevé cette fulgurante mise à l’agenda. Et la sobriété fait désormais l’objet d’une institutionnalisation accélérée, pour le meilleur et pour le pire. Chacun se demande si l’hiver sera rude, et les appels aux petits gestes se multiplient car, selon la formule gouvernementale, mieux vaut la « sobriété choisie » que le « rationnement subi ». Pas question pour autant de faire atterrir les jets privés puisque, selon la Première Ministre, « on peut être riche et sobre ». Et à plus long terme ? À plus long terme, pas d’inquiétude, une relance du nucléaire est en préparation. Dans cette période instable, cette intervention proposera de revenir sur l’histoire de l’acception écologique de ce mot « sobriété », qui a tardé à se stabiliser et se différencier dans le grand ensemble hétéroclite des « économies d’énergie ». Elle analysera l’intérêt de défendre une acception forte de ce terme, à rebours de sa dépolitisation actuelle, pour porter une réflexion collective d’une part sur le partage des efforts de sobriété, et d’autre part sur la hiérarchisation des activités à cibler. Elle proposera d’appréhender la sobriété non pas comme un mauvais moment à passer, mais comme un instrument potentiellement puissant de justice écologique et sociale pour aborder l’immense chantier collectif au long cours qui s’ouvre devant nous.